31 mai 2010

Graphe orienté et politique : le cercle vertueux

Les graphes apparaissent rarement sur ce blog, alors qu'ils constituent l'une de mes thématiques de recherche. Une utilisation dans le cadre du débat politique me donne l'occasion d'en parler aujourd'hui.


Combats de chiffres parfois, d'égos souvent, de mots toujours, les débats politiques s'enlisent bien souvent sans faire apparaître clairement le fond du problème, sorte de plus petit commun désaccord. Des outils informatiques de brainstorming et de web-débat commencent à voir le jour pour structurer les discussions et les confrontations. Mais ceux que je connaissais ne me satisfaisaient pas au moment où nous avons commencé avec d'autres doctorants des universités montpelliéraines à débattre sur la future charte des thèses.

Un peu d'éléments de contexte avant d'aborder l'outil proposé. La charte des thèses existe dans les établissements d'enseignement supérieur pour donner un cadre à la préparation du doctorat. Ces chartes détaillent de façon plus ou moins poussée les droits et devoir des doctorants, de leurs encadrants, et des structures liées au doctorat. Selon les universités et les domaines de recherche, elles assurent aux doctorants un statut clair de professionnel de la recherche recruté sur un projet précis (en affirmant par exemple que tout doctorant doit être rémunéré) ou bien restent plus vagues, pour diverses raisons. Raisons historiques, contextuelles, et scientifiques se mélangent bien souvent dans les explications, il est difficile de faire le tri. Face à cette confusion, la Confédération des Jeunes Chercheurs tient un discours clair, argumenté et documenté sur le sujet.

J'ai donc essayé de regrouper l'ensemble de ces arguments dans une synthèse qui ferait apparaître la cohérence d'ensemble de ce discours, et permettrait rapidement de mettre le doigt sur les points de désaccord. Les arguments étant souvent liés les uns les autres, il semblait apparaître une sorte de cercle vertueux, et c'est cet aspect que j'ai essayé de mettre en valeur dans un graphe orienté (un ensemble de points reliés par des flèches), à l'occasion d'une pause MacDo par un sombre dimanche d'hiver. Les flèches s'interprètent comme des implications logiques, mais comme tout modèle mathématique, il s'agit d'une simplification de la réalité, où les flèches doivent plutôt être interprétées comme "conduisent à" ou "favorisent".

Il fallait ensuite passer de l'ébauche sur carnet Moleskine au document clair et utilisable, ça a été fait grâce à l'outil de dessin de Google Docs (afin de laisser la possibilité à d'autres participants de notre groupe de réflexion de modifier la figure), et aux conseils esthétiques de Paola et Alban pour mieux faire ressortir le cercle vertueux, et faire apparaître la charte des thèses, et ses effets sur le cercle, en position centrale :


Etape suivante, rendre la figure entièrement cliquable pour expliquer les flèches et les cases dans une interface très navigable. L'outil de création de maps HTML d'OpenOffice a permis de faire ça très rapidement, le résultat se trouve ici.

Résultat sur les discussions et le débat ? On y gagne une vision d'ensemble assez claire : ce cercle fonctionne bien actuellement pour les doctorants en sciences exactes, en revanche c'est moins le cas pour les doctorants en sciences humaines. La clé du débat est alors de savoir comment l'amorcer : en imposant de nouvelles contraintes sur les doctorants (obligation de financement pour s'inscrire en thèse, durée limitée de façon stricte à 3 ans), ou bien en améliorant les conditions d'encadrement et de travail en équipe ? La réponse est vite trouvée, et correspond à l'évolution en cours dans les écoles doctorales montpelliéraines en sciences humaines : EDEG, 58 et 60. Pour Droit et sciences sociales, le chemin à parcourir semble plus important...

C'est justement dans cette école doctorale qu'on nous dit que le "cercle vertueux" est inadapté, en ciblant les cases et les flèches qui ne sont pas correctes. L'insertion professionnelle dans le privé aurait peu de lien avec le bon déroulement de la thèse, en droit, et serait même à l'origine d'un grand nombre d'abandons de thèse. De plus, le rapport personnel et subjectif du doctorant à son sujet de thèse et aux textes de sa bibliographie, ainsi que la maturation de la réflexion nécessaire à produire un résultat de recherche intéressant, seraient à l'origine d'une impossibilité de borner une thèse à une durée maximale de trois ans. Là, toute la question est de savoir s'il s'agit d'un principe qui fait consensus en droit voire dans d'autres domaines scientifiques (philosophie ? littérature ?), ou si elle concerne seulement certains sujets de thèse exceptionnels qui demandent des durées adaptées en conséquence... auquel cas une simple exception à la règle, bien encadrée dans la charte des thèses, suffirait.

Verdict attendu suite aux discussions dans les écoles doctorales et les conseils scientifiques... En tout cas la phase de réflexion des doctorants est en train d'aboutir, grâce à une consultation de l'ensemble des doctorants montpelliérains, et ce graphe orienté aura contribué à faciliter le débat et sa synthèse.