5 juillet 2007

Avoir vocation à... une héritation de Chirac

Parti traquer les erreurs de pronoms relatifs (oui, merci, la pêche a été bonne...), j'ai été étonné, après le billet de Jean Véronis sur l'expression "avoir vocation à", de l'entendre 3 fois dans la bouche de Brice Hortefeux dimanche dernier dans son passage au Grand Jury d'RTL :

"les pays d'immigration n'ont pas vocation à laisser partir [...] toute leur élite"
"Tout immigré en situation irrégulière a vocation à être reconduit à la frontière"
"s'ils sont interpelés, ils ont vocation à être reconduits dans leur pays"

Alors, contamination par le patron ? Ou bien reflet d'une utilisation plus généralisée ?

Pour tester cela j'ai tout d'abord essayé une combinaison de recherches Google de la forme :
n1 = nombre de résultats Google pour ("Nicolas Sarkozy")
n2 = nombre de résultats Google pour ("Nicolas Sarkozy" "vocation à")
n3 = nombre de résultats Google pour ("Nicolas Sarkozy" "pas vocation à")


Pour effectuer ces recherches en masse sur une brochette de politiques, aucun problème, mon programme FuryPopularity dont je vous avais déjà parlé se débrouille très bien. Je viens d'ailleurs d'y ajouter la possibilité de récupérer le nombre de résultats pour un ensemble de requêtes sur les moteurs Yahoo et Dir.com. L'objectif était donc de comparer pour l'ensemble des politiques les valeurs n2/n1, et aussi les n3/n1.

Premier problème, encore et toujours, les fantaisies des moteurs Yahoo et Google. Les deux sont concernés, pour Yahoo j'ai même eu parfois n3>n2 ! Mais bon, ça, je m'y attendais. J'ai essayé d'ajouter un petit test pour m'assurer que les chiffres n'étaient pas trop absurdes, récupérer aussi :
n4 = nombre de résultats Google pour ("Nicolas Sarkozy" "vocation à" -"pas vocation à")
Là théoriquement n2-n3-n4=0, je considérais le résultat comme correct quand (n2-n3-n4)/n2 restait inférieur à 10% : rien à faire, les deux moteurs fournissaient des résultats incohérents et non significatifs. Idem du point de vue du manque de significativité pour Dir.com qui est plus rigoureux dans ses annonces de résultats.

Bref, il fallait un corpus de discours d'hommes politiques, plus spécifique que le web tout entier. Evidemment, je me tiens au courant de l'actualité... Mais 19 discours de politique générale, ça ne fourmille pas de "vocations à". Heureusement mon moteur de recherche préféré (malgré ses défauts cités plus haut) m'a indiqué le corpus du "concours" DEFT'05, qui réunit des extraits d'allocutions de Jacques Chirac et François Mitterrand (bien annoté, ce qui m'a permis de séparer les uns des autres sans programmer une ligne de code, avec simplement des rechercher/remplacer et Microsoft Excel). Verdict sur les 1 036 331 mots de Chirac et les 202 120 de Mitterrand ? 95 "vocation à" pour le premier, 4 pour le second.

Bingo ! C'était bien vu de la part de Narvic dans les commentaires d'Aixtal, Jacques Chirac atteint un joli 9,17 "vocation à" sur 100 000 mots, face aux presque 11 pour 100 000 de Nicolas Sarkozy, et aux 1,98 sur 100 000 de François Mitterrand


Alors, Sarkozy digne héritier de Chirac pour l'utilisation de cette expression ? Pas tout à fait, il a su ajouter sa petite rupture. Comptons parmi toutes ces occurences le nombre de "pas vocation à" : 9,4% pour Jacques, 42,5% pour Nicolas...

De là à irriter l'ancien président comme le prétend Google...