7 février 2007

Accordons nos pronoms !

Citez-moi deux points communs de toutes ces personnalités. Hommes ou femmes politiques, présentateurs télé ou radio, syndicalistes, enseignants, ce sont des professionnels de la parole. Et d'un. Et de deux, ils ont tous déjà fait une erreur d'accord sur le pronom lequel. Nicolas Sarkozy a d'ailleurs failli les rejoindre lundi sur TF1 (en vidéo ici) !

La faute n'est pas anodine. Déjà, on peut remarquer que cette forme d'accord est assez subtile, il faut aller chercher dans le proposition principale le nom avec lequel faire l'accord, et celui-ci peut se trouver assez loin, séparé du pronom qui le représente par des adjectifs ou des compléments du nom. Une circonstance atténuante, donc...

On n'est toutefois pas au niveau de la langue allemande où on doit en plus réfléchir à la fin de la phrase, le pronom portant la marque de sa fonction dans la subordonnée. Et l'erreur est vraiment trop fréquente pour qu'on puisse invoquer à chaque fois un manque d'attention fortuit. On remarque aussi que la forme la plus fréquente est celle qui consiste à utiliser "dans lequel" à la place de "dans laquelle", "dans lesquelles", ce qui donne vraiment l'impression que certains utilisent "danlekel" comme un pronom relatif invariable au même titre que "dont" ou "où".

C'est l'expressivité de la langue française qui est en jeu ici ! J'ai d'ailleurs de vagues souvenirs d'un texte humoristique (de Claude Roy, peut-être ?) je n'ai pas réussi à remettre la main dessus, si ça vous évoque quelque chose...) qui enchaînait les pronoms pouvant grammaticalement se rapporter à plusieurs noms dans la phrase (du genre admirer la cravate de son patron qui nous fait envie, la cravate, pas le patron...). On a assez d'ambiguïté en français pour ne pas en ajouter.

J'avais d'ailleurs discuté avec Maxime Bourrigan de l'ambiguïté du "leur", et ce dans diverses langues. Commençons par un exemple : "on a volé leurs ballons aux élèves" : est-ce que chaque élève avait un ballon, ou plusieurs ballons ? "On a volé leur ballon aux élèves" : est-ce que chaque élève avait un ballon, ou bien est-ce qu'ils avaient tous un ballon en commun ?

Il y a en fait 6 cas possibles pour exprimer l'appartenance :
1- une personne a un objet,
2- une personne a plusieurs objets,
3- plusieurs personnes ont un objet chacune,
4- plusieurs personnes ont plusieurs objets chacune,
5- plusieurs personnes partagent un objet,
6- plusieurs personnes partagent plusieurs objets.

Le français permet d'exprimer 4 différences parmi les 6 :
1- son
2- ses
3,5 - leur
4,6 - leurs

L'allemand correspond au français avec dans l'ordre "sein", "seine", "ihr", "ihre" (avec toutefois l'ambiguïté due au "ihr" qui désigne à la fois le pluriel et le féminin singulier)... L'anglais regroupe 1 et 2 avec "his" ou "her" (le nombre du nom permettant toutefois de distinguer les deux cas) d'une part, 3, 4, 5, 6 d'autre part avec "their" (ils auraient pu inventer "hises", et "theirs", tout de même, pour régler le problème...). L'espagnol aussi, avec "su" et "sus". Maintenant, existe-t-il une langue qui fait une distinction claire entre les six cas ? La question est ouverte.

Bref, bref, quand la situation est claire est sans prise de tête, autant appliquer les règles. Ca vaudra peut-être un retour au CM1 pour toutes les personnes épinglées, dont vous trouverez la liste des mauvais accords avec extraits audio incontestables en prime ici (je garde pour moi la liste de mes profs de fac qui en faisaient jusqu'à une dizaine en deux heures...) !

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